Je suis un citoyen français parmi les autres. Après, il y a bien des façons de se définir. Pour la bonne forme, commençons par l’état civil : né le 28 décembre 1961 (Jour des Saints Innocents, ça ne s’invente pas) à Fontenay-aux-Roses dans les Hauts-de-Seine. Mes parents ont immigré d’Italie avant ma naissance, comme ne l’indique pas mon nom d’origine slovène. C’est en participant à la reconstruction du Pays qu’ils ont également construit leur vie en France.
Après une enfance et une adolescence sans histoire, mon premier contact avec la vie active a été un engagement dans la Marine nationale. J’avais signé un contrat de cinq ans, mais après avoir réalisé que je n’étais finalement pas fait pour la vie en mer, j’obtins la rupture de mon lien au bout de seize mois. Dans l’intervalle, j’ai brièvement navigué à bord du Bâtiment Océanographique D’Entrecasteaux, désarmé depuis (et remorqué en 2024 à Bordeaux pour déconstruction après avoir passé 12 ans comme brise-lames à Lorient).
Revenu à la vie civile, j’ai suivi un parcours professionnel varié : technicien dans le domaine électrique, technico-commercial, cadre dans une PME, enfin fonctionnaire territorial en Vaucluse jusqu’à ma retraite. L’époque de mon premier emploi, trouvé à Fontenay-aux-Roses même, fut aussi celui d’un premier contact avec la réalité d’un monde auquel ne m’avait pas préparé mon éducation classique : « si tu travailles bien à l’école, tu auras un métier et tu pourras construire ta vie » (ça c’est pour la nostalgie).
En l’occurrence, je découvris que mon premier salaire ne me permettait pas d’espérer me loger dans ma ville natale (du moins que je considérais comme telle, le concept de conurbation étant encore flou à mes yeux). J’ai encore en mémoire ce jour de 1983 où j’ai été reçu en marie par l’élu en charge m’expliquant sur un ton condescendant que je gagnais quand même trop pour un logement social, en me consentant je ne sais plus quelle « faveur » sur le formulaire qu’il remplissait. J’ai failli lui rétorquer que je ne demandais pas de faveur, juste de pouvoir continuer à vivre dans la ville où je suis né et où je travaillais, mais je me suis retenu.
Ce ne fut que le premier d’une longue série de questionnements sur l’état de notre société qui alimentera par la suite mon engagement citoyen (sans lien avec mon parcours professionnel). Je cherchais à comprendre ses maux, et surtout les moyens d’y remédier. J’ai été frappé, au fil des ans, par l’étonnante similarité des « préoccupations principales des français » dont les journaux se faisaient régulièrement l’écho : inflation, chômage, pouvoir d’achat, encore et toujours ! Et toujours, comme une arlésienne traversant les générations, la même cause invariablement pointée du doigt : la sempiternelle insuffisance de « croissance » !
Par quelle malédiction cette maudite « croissance » ne suffisait-elle jamais ? Perdu en conjectures, je me demandais si je devais consommer toujours plus. Mais jusqu’où ? Jusqu’à l’éclatement comme dans la fable de la grenouille se voulant aussi grosse que le bœuf ? Et puis un jour me vint le déclic ! Cessant de me demander « comment », je commençai à me demander « pourquoi » ! Sans le savoir, je redécouvrais intuitivement cet « étonnement philosophique » qu’Aristote appelait « le début de la philosophie ».
Ma réflexion se fit dès lors bien plus basique : pourquoi ce besoin de « croissance » ? S’il était logique, il serait chiffré en termes d’objectifs (par exemple « il nous manque 10% de richesse en plus pour vivre bien »). Comment expliquer ce curieux besoin de « croissance » perpétuelle sans autre but qu’elle-même ? On avait le sentiment que, peu importe en fait la richesse produite, il fallait juste que celle de l’année en cours soit supérieure à celle de l’an dernier, et cela perpétuellement. Point ! Tout cela me ramenait à l’éclatement de la grenouille !
Alors que je commençais à peine à entrevoir toute l’absurdité du système libéral, car j’étais encore loin de réunir la culture nécessaire à une pleine compréhension de ses déterminants, je décidai à quelques jours de mon 35ème anniversaire d’adhérer au Parti socialiste avec l’idée bien arrêtée de contribuer à des débats que j’avais la faiblesse d’imaginer savants, surtout au sein d’un parti de gauche. Obstination ou entêtement ? Je mettrai plus de vingt ans à jeter l’éponge. Même le « coup de tonnerre » du 21 avril 2002, qui relança un temps une volonté de débats, retomba vite dans la routine. Il m’aura fallu du temps pour admettre la mort dans l’âme qu’un parti politique (quel qu’il soit, ce n’est pas propre à un « camp ») n’était qu’une machine électorale dont les préoccupations n’excédèrent guère l’échéance à venir.
Mais dans l’intervalle, tombé dans la « potion magique », je poursuivais mon instruction citoyenne en autodidacte. En 2007, j’ai quitté ma ville natale pour le Vaucluse où je me suis installé dans la maison familiale que nous avons patiemment bâtie de nos mains depuis l’âge de mes dix ans. J’y ai connu ma première, et unique à ce jour, expérience de conseiller municipal. J’ai aussi participé activement pendant quatre ans à la tenue du Café Citoyen d’Orange, où l’on débattait chaque mois de sujets variés. J’ai pu en tirer quelques éléments d’explication, peut-être, à l’absence de renouveau de la pensée politique : le désenchantement souvent, les ravages de la « post-vérité » parfois, mais surtout ce sentiment d’impuissance qui en pousse certains à ne même plus vouloir comprendre : « à quoi bon comprendre si nous ne pouvons rien y faire !? ». Et bien si ! On peut encore y faire quelque chose !
En 2011, j’ai créé ce site web pour partager mes réflexions dans diverses publications. J’ai été amené par la suite à les réviser à deux reprises, en constatant après coup que le style n’était aussi limpide que je l’aurais souhaité de prime abord (on croit toujours être clair en écrivant à chaud). J’espère à chaque fois avoir gagné en facilité de lecture pour être à la hauteur des sujets abordés (mais je suis toujours ouvert aux remarques).
L’action citoyenne peut prendre bien des formes : partis politiques, associations, réseaux sociaux, ou simplement discussions entre nous… Peu importe ! Ça vaut encore le coup de savoir et de comprendre ! Le Manifeste du parti citoyen publié dans ce site se veut une modeste contribution à cela. Alors servez-vous, récupérez-le, diffusez-le, amendez-le, complétez-le de vos propres acquis et expériences ! Et agissons partout à nos niveaux respectifs.
Quand nous suivrons tous la même direction, l’offre politique ne pourra pas l’ignorer.
Bonne lecture.